EVENT Groupe 3 (Engjel, Selene, Sören & Roland }

L’ambiance régnant dans l’académie ce jour-là fut familière à Selene. Sombre, électrique, mortelle. D’où lui venait ce sentiment de déjà-vu ? Cela importait peu. Un homme était mort, cette nuit. Un homme, membre du personnel, CPE, Kaine. Les témoins ne parlaient plus. On les avait retrouvés tremblants, pâles comme la mort, les yeux exorbités, à l’orée de la forêt. Près d’eux gisait Kaine. Ou, du moins, ce qu’il en restait. Des rumeurs traversaient l’établissement, plus sordides les unes que les autres. Certains disaient que son corps marchait sans tête, avant qu’il ne s’effondre. D’autres murmuraient qu’il avait perdu un œil, et son cœur. D’autres encore racontaient qu’on avait retrouvé sa boite crânienne aussi vide qu’une coquille d’œuf.

Le directeur n’avait pas affirmé ou révoqué les rumeurs. Nul ne savait ce qu’il était advenu des témoins. Du moins, Selene l’ignorait. Cependant l’ampleur du désastre ne s’arrêtait pas là. Une jeune fille, Nadia Telnar, était portée disparue. « Morte, songea Selene. Indubitablement morte. »

Ou peut-être pas. Selene croyait aux faits. Le fait qu’un membre du personnel, maitrisant sans doute son pouvoir, se soit fait massacrer, ne donnait que peu de chances de survie à l’élève inexpérimentée. Cependant, la chose ayant commis le crime l’avait peut-être fait à dessein. Peut-être avait-elle besoin de la jeune femme. Vivante. Dans les bois noirs, grouillants d’ombres et de terreurs nocturnes, rien n’était à prévoir.

Elle avait été désignée pour participer aux recherches. Pourquoi ? Inutile de se poser la question. Dans un lieu où des évènements de cette ampleur arrivaient, peu importait la raison d’un choix tel que celui-ci. Elle savait qu’elle mourrait peut-être. Elle savait qu’elle aurait peu de chances de retrouver la disparue. Mais les ordres étaient les ordres, et la forêt regorgeait de choses innommables sur lesquelles elle pourrait possiblement mettre un nom. Restait à savoir combien de temps ces nouvelles connaissances lui serviraient avant qu’une ombre sortie d’un autre monde ne l’égorge. Elle secoua la tête. Ne pense pas à la mort. Ne pense pas.

Elle se dirigeait maintenant vers le lieu de rencontre. Qui seraient ceux qui l’accompagneraient dans l’enquête -- ou dans la mort ?
Le membre du personnel leur étant assigné était Engjel C. Hagen, le médecin scolaire. Elle l’avait déjà rencontré un mois auparavant, pour une bête entorse. Elle le salua en souriant légèrement, mais son sourire resta froid comme ses yeux. L’heure n’était pas à sourire. Les autres ne semblaient pas encore être arrivés. Un garçon arriva une ou deux minutes plus tard. Un jeune homme mince, aux cheveux violets et au visage calme. Sören, lui sembla-t-il. Puis, une dizaine de minutes encore, tandis que le médecin commençait à donner des signes d'impatience, le second arriva. Le docteur leur donna alors un court préambule. Elle observa le dernier venu. Le jeune homme blond, pas plus âgé qu'elle, semblait ne plus tenir en place. Elle en déduit qu’il s’agissait de Roland.

«  Bonjour à tous les trois. Si vous ne m'avez pas encore vu je suis le Docteur Hagen. Comme vous le savez le directeur nous a demandé d'enquêter sur les événements qui se sont produits avant hier soir. Je me doute que vous devez être inquiets, voire même, avoir peur, c'est pour cela que je vous demanderai de ne pas vous éloigner de moi dans la forêt et de m'écouter si un problème survient.  Voici une photo de Nadia, la personne disparue. Enfin, si vous êtes prêts, on peut y aller…  »

Selene observa la photo, le visage grave. Ils se dirigèrent vers la forêt. La chasse commençait. Restait à savoir qui chasserait l’autre.

La mort de Kaine, le CPE. Cet homme effrayant dont la carrure et sa méthode pour maintenir en place l’ordre dans l’établissement semblaient faire de lui quelqu’un d’invincible. Cela avait énormément choqué Roland qui en était ressorti avec un état d’esprit plutôt mitigé.  Comme la plupart des fauteurs de troubles, le blondinet n’appréciait guère le défunt. Simplement, ce n’était pas une raison non plus pour qu’il vînt à en souhaiter sa mort. Un autre point important. Une jeune fille était toujours disparue.  Elle s’appelait Nadia. Il n’en savait pas plus à part la version officielle l’académie : le CPE était mort en voulant chercher l’élève qui s’était rendu dans la forêt. Une histoire qui semblait sortir tout droit d’un roman policier.

Mais le plus étrange dans tout ça, ce fut ces groupes d’élèves mis en place afin d’enquêter à ce sujet et, si possible, de retrouver l’élève disparut. C’était tout à fait irresponsable et dangereux. Cela ne déplaisait pas pour autant au blondinet, mais c’était quand même surprenant.  Au lieu d’engager des spécialistes, pourquoi faire appel aux élèves au risque que l’un ne disparaisse à nouveau? Même si cela était peu probable puisque les groupes étaient dirigés par des adultes, membres du personnel. A moins qu’eux aussi n’étaient dans le coup?  Néanmoins, on l’avait mis au courant du responsable de son groupe…  Et même si cela se déplaisait de l’admettre, il n’arrivait à croire que CET HOMME puisse vouloir quelque chose d’aussi horrible à un élève.
C’était une enquête qui ne manquait pas d’attirer sa curiosité, mais il avait quand même… un peu la flemme. BEAUCOUP. Enfin,  c’était surtout parce qu’il n’avait beaucoup dormi la veille que l’inévitable se produisit : il arriva en retard.  

Il s’était relevé, habillé en vitesse,  de sorte qu’il n’eut pas le temps de s’arranger un peu pour se donner meilleure mine. Il était arrivé devant l’entrée de la forêt où l’attendait visiblement son groupe déjà présent. Ses cheveux blonds étaient encore plus ébouriffés que d’habitude et ses vêtements qui avaient été mis en catastrophe étaient un peu froissés.  Cependant, cela ne l’empêcha pas d’arriver en mode vainqueur sur les lieux du rendez-vous, s’arrêtant tout de même pour se plier et reprendre son souffle.

Il connaissait la moitié du groupe. C’était bien assez pour qu’il se fasse un avis là-dessus. Le docteur Engjel avait visiblement attendu son arrivée pour commencer son speech. Il n’avait pas changé depuis la dernière qu’ils s’étaient vu. Toujours aussi terriblement beau. Et frimeur. Parce qu’il avait beau rétorquer qu’il n’en avait rien à faire des jeunes filles, Roland ne parvenait pas à s’arracher l’image du docteur pervers de leur première rencontre! Il ne se montra guère attentif mais assimila les informations principales.

Ils attendaient son arrivée pour se mettre en route. C’était le moment que tout le monde attendait! Malgré lui, une certaine excitation le submergea tandis qu’ils se dirigèrent à l’intérieur.  Ce fut à ce moment-là que choisit Sören, la figure familière de son groupe, pour lancer la conversation. Il lui demanda s’il n’avait pas été tellement absorbé dans une conversation avec une fille qu’il en avait oublié d’arriver à l’heure. Roland ne put s’empêcher de rire de bon coeur :

“Ahhh, malheureusement si ça avait pu être le cas! C’est mon idiot de réveil qui a fait des siennes et qui n’a pas été fichu de me sortir de mon sommeil!”

Pendant quelques secondes, il dévisagea le jeune homme. Lui aussi, ils s’étaient rencontrés il n’y a pas longtemps. Et leur rencontre lui avait laissé un arrière-goût… mitigé. De base, cela avait commencé par des leçons en séductions puis ils s’étaient rendu compte que leur visions de vie était diamétralement opposé. Cela l’avait énervé sur le moment. Pourtant,  il ne pouvait pas non plus dire qu’il avait détesté cet échange.  Et puis… il lui avait quand même donné des conseils, respecté sa parole! Alors aussi longtemps qu’il serait agréable avec lui, Roland n’avait aucune raison de se montrer agressif:

“Mais ne t’inquiète pas, prof! J’ai fait des progrès depuis!”

Des progrès depuis qu’il avait été dans la piscine en se faisant passer pour l’assistant du professeur et… qu’il s’était retrouvé à fuir devant une dizaine de filles qui le traitait de pervers. Visiblement, sa manière d’agir n’avait pas été la meilleure qui soit. Par ailleurs, en parlant de draguer les filles…   Son regard se dirigea immédiatement vers le deuxième membre de son groupe.  Et ses yeux s’écarquillèrent d’émerveillement.  Une jeune fille, non seulement qui semblait avoir le même âge, mais surtout ravissante! Oubliant la raison de sa venue ici, il s’empressa d'accourir dans sa direction pour lui prendre les deux mains:

“Oooh mais que je vois-je ? Quelle est cette ravissante créature devant moi? Votre beauté m'éblouit, très chère. Pourrais-je avoir le plaisir de connaître votre nom?”

Tandis que le petit groupe marchait en direction de la forêt, Sören s’approcha de Roland :

- Hey, Roland ? Etais-tu si occupé avec une fille que tu as oublié d’arriver à l’heure pour l’enquête ?

Selene haussa un sourcil. Ils semblaient se connaître. Ce qui pouvait expliquer la mine paniquée qu’il avait affichée quelques minutes plus tôt en remarquant l’absence du retardataire. Sans doute étaient-ils proches… Et sans doute serait-elle en retrait du groupe durant toute l’enquête, qui promettait d’être longue, à défaut d’éternelle.

Roland se défendit en riant et accusa son réveil. Il semblait cependant assez porté sur la drague, de ce qu’elle en comprit. Selene soupira. Ses deux coéquipiers ne semblaient pas prendre beaucoup à cœur cette affaire de disparition. Détendus, ils discutaient en souriant de sujets bateaux. Comprenaient-ils la gravité de l’évènement ? Leurs corps, ainsi que le sien, seraient peut-être retrouvés en morceaux dans quelques heures, si toutefois on les retrouvait. L’heure n’était pas aux futilités… Elle secoua la tête. Elle réfléchissait trop. Discuter ainsi était une bonne manière d’évacuer le stress qui commençait à lui tendre les muscles. Au fond, ils avaient raison.

Perdue dans ses pensées, elle releva vivement la tête lorsqu’elle entendit le jeune blond lui adresser la parole, tandis qu’il lui prenait les mains.

- Oooh mais que vois-je ? Quelle est cette ravissante créature devant moi ? Votre beauté m’éblouit, très chère. Puis-je avoir le plaisir de connaître votre nom ?

Surprise, elle ne sut que répondre dans l’instant. Habituellement, les hommes (comme les femmes, d’ailleurs) ne l’approchaient pas, et encore moins avec des compliments de ce genre. Ce garçon semblait décidément très frivole. Elle se demanda à combien de filles il avait dû chantonner ce refrain puis répondit, hésitante :

- Hum… Je m’appelle Selene. Et tu es Roland, c’est bien ça ?

Elle avait pris l'habitude de tutoyer les autres élèves, bien que beaucoup n'aient pas ce tic de langage. Elle ajouta après une courte pause :

- On devrait peut-être rester un peu plus sur nos gardes, non ?

- Roland. Ce n’est pas une classe verte, alors un peu de sérieux, contrôle tes hormones, c’est pas le lieu pour draguer, reste plutôt attentif à l’environnement…

Elle tourna la tête vers le médecin, qui prit Roland par le bras. Comme il l’avait affirmé, la forêt n’était pas un lieu sûr, même de jour. Elle releva la tête et tenta de rester à l’affut du moindre bruit. Le sérieux de l’adulte ne la rassura pas. Vraiment, ce n’était pas un jeu. Si Roland semblait ne pas en avoir grand-chose à faire, elle se demanda ce que pensait Sören de la chose. Elle avait cru voir ses traits se crisper au moment de l’appel.

Le séducteur dévisageait sa nouvelle conquête un peu plus attentivement.  Des traits fins, une chevelure de jais associé à des yeux d’un bleu métallique si pénétrant qu’il eût du mal à s’en soustraire. Avait-il déjà dit qu’il l’a trouvait ravissante? Il attendit sa réponse et fut ravi de connaître finalement son prénom. Selene! Un prénom magnifique! Elle lui demanda si son prénom était bien Roland et il agita avec énergie sa tête pour lui faire comprendre qu’elle était sur la bonne voie.  Elle lui exprima son point de vue qu’il fallait plutôt rester prudent et cela toucha le blondinet en plein cœur. Elle s’inquiétait déjà pour lui! Ce pourrait-il qu’elle ait déjà succombé à son charme? C’était rapide cette fois!

“Ne t’inquiète pas pour moi, milady. Je suis redoutable quand je veux.”

Et il ajouta un clin d’oeil afin de  rendre sa déclaration plus impressionnante. Néanmoins avec ses cheveux ébouriffés et ses vêtements en désordre, il était étrangement peu crédible. Puis… il fallait avouer  qu’il n’avait pas un physique très convaincant tout comme son caractère qui le faisait passer pour un idiot. A moins que c’était réellement ce qu’il était. Un idiot.

Il n’eut pas le  temps d’ajouter quelque chose d’autres qu’il se sentit pousser en arrière par quelqu’un d’autre. La voix de ce pervers de docteur s’éleva pour le ramener à l’ordre en lui exigeant de garder un peu son sérieux et de contrôler ses hormones. Que ce n’était pas trop le moment pour draguer. Ce fut peut-être à ce moment-là qu’il se souvenu qu’il était en mission pour trouver des indices sur une jeune fille qui avait disparu. Néanmoins il était hors de question de donner raison à ce docteur ! D’autant plus que ce dernier l’avait pris doucement par le bras pour le traîner à ses côtés. Comme un gosse.

“Roh ça va! Je ne faisais que détendre un peu l'atmosphère…  Vous êtes toujours aussi sérieux à ce que je vois…”

Il gonfla ses joues comme un enfant qui se met à bouder.  C’était pathétique à voir. À cause de ce docteur, il ne pourrait pas longtemps continuer ses tentatives de drague auprès de sa Selene qui se languissait déjà de lui! Il soupira lorsqu’il comprit qu’il devait renoncer à cette amourette… Enfin tant qu’il se tiendrait à ses côtés.
Il sentit qu’on lui tapotait légèrement l’épaule. C’était Sören qui s’était téléporté à ses côtés et qui lui lançait sur ton moqueur qu’il ferait mieux de montrer qu’il n’avait pas peur au lieu de courir les jupons. Le blondinet voulut lui répondre, mais la  tête d’algue s’écarta subitement de lui pour marcher un peu plus vite et se retourner pour ajouter en lui tirant la langue qu’il avait peut-être peur de cette forêt.

“Je n’ai pas peur! répliqua aussitôt Roland en fronçant les sourcils. Un homme n’a jamais peur!”

Cependant, pour la première fois depuis son arrivée ici, il observa attentivement la forêt.  Elle paraissait plutôt vaste et les moindres recoins semblaient se ressembler. Il n’avait jamais mis les pieds auparavant, n’en trouvant guère l'intérêt. En journée, elle paraissait étrangement inoffensive. Ce pourrait-il que quelqu’un rôdait la nuit? Quelqu’un… ou quelque chose? Mais il ne fallait pas s’arrêter seulement à ça.

Sören demanda où exactement ils étaient censés enquêtés car la forêt demeurait quand même plutôt vaste. Roland acquiesça à son tour:

“Pas faux. Je suppose qu’on doit rester à l'affût du moindre indice.  Comptez sur moi et mon sens de l’observation légendaire!”

Cela ne faisait que quelques minutes qu'ils étaient réunis et qu'ils marchaient en direction de la forêt mais Roland n'en faisait qu'à sa tête et allait draguer la première personne venue. Par chance (pour lui), celle-ci n'en était pas trop gênée et déclinait son identité avant de lui dire de rester sur ses gardes alors que le médecin le prenait par le bras pour l'amener vers lui. Ha s'il devait faire du gardiennage en plus de cette mission sans queue ni tête….

Il fut ainsi appuyé par les deux autres personnes et trouva la remarque de Sören pertinente. Enfin, d'une certaine façon. Ils avaient le droit d'avoir peur. Qu'aucun élève n'ait peur avec ce qu'il se passait serait plutôt bizarre. Engjel était inquiet pour leur sécurité mais ne le montrait pas vraiment. Il était sérieux mais non angoissé. Après tout son but à lui était de les protéger. Donc que Roland le lui reproche ne lui fit rien, au contraire, cela l'appuyait dans son attitude. Il soupira à l'entente des propos insensés de… ce qui lui semblait plus être un enfant qu'un adolescent.

«  Bien évidemment qu'un homme à peur. Autant qu'une femme d'ailleurs. La peur c'est ce qui te maintien en vie. Tu en as besoin pour t'enfuir si ta vie est menacée. Et tu as le droit d'être inquiet après ce qu'il s'est passé. Et je ne suis pas qu'ici pour soigner les petits bobos, je ferai toujours en sorte qu'il n'arrive rien aux élèves.  »

Du moins ceux qui étaient avec lui. Non parce qu'il n'était ni omniscient ni tout puissant alors… Observant Sören s'avancer un peu plus pour rejoindre l'orée de la forêt il restait attentif à l'environnement.

«  Chaque groupe a un endroit. Et oui Roland si tu veux nous montrer que tes yeux te servent à autre chose que de regarder les filles, fais toi plaisir et étonne nous.  »

C'était une manière un peu spécifique pour motiver le jeune blondinet mais il était bizarrement certain qu'elle fonctionnerait…

«  On va par là.  » il pointa une direction. «  Quand l'on cherchera quelque chose sur une zone précise il est préférable de le faire à deux, pour ne rien louper. Cependant nous ne seront pas très éloignés non plus.  »

Entrant dans la forêt, Engjel attendait qu'ils fassent de même. Sécurité avant tout.

Ce garçon était vraiment étrange. Selene fixait Roland, surprise de cette façon d’être si spontanée. Il ne semblait pas s’être fixé de règles de bienséance, ou de limites quelconques. Il la fixait dans le blanc des yeux, souriant, ses mains toujours dans les siennes, et opina énergiquement du chef à sa question. Son regard sembla pétiller à la remarque pourtant sérieuse de la jeune femme.

- Ne t’inquiète pas pour moi, milady. Je suis redoutable quand je veux.

Elle eut un léger sourire à ce surnom incongru. Incongru, mais pourtant familier. Lyam Vesper, un garçon de sa classe, l’avait déjà nommée « Princesse », elle pouvait maintenant ajouter « milady ». Pour quelqu’un venant des bas-fonds de la société, ces surnoms avaient quelque chose d’ironique qui n’était pas sans l’amuser. Roland ajouta un clin d’œil à son affirmation.

- Oh, et bien… J’espère pour toi, vu ce qui pourrait nous attendre, répondit-elle avec un léger sourire, les yeux dans le vague.

Alors que le médecin rappelait à l’ordre le jeune homme, Sören taquina Roland, avant de lui tirer la langue. Selene soupira. Ils n’étaient pas sérieux. Comprenaient-ils seulement le danger ? Heureusement, Engjel avait l’air, lui, de comprendre l’ampleur de la situation, puisqu’il sermonna Roland et déclara qu’il était normal d’avoir peur dans une telle situation. Son discours sembla à Selene rempli de sous-entendus. Le médecin était membre du personnel. Il en savait sans doute plus que les élèves. Et ses mots traduisaient bien qu’il s’agissait d’une mission risquée. Très risquée. Et même à lui seul, il ne pourrait les protéger tous les trois en cas d’attaque. Kaine n’avait pas pu se protéger lui-même… Ils devaient, chacun, être prêts à tout.

Sören fut le premier à s’engager dans la forêt. D’abord prudent, il finit par marcher à reculons et fit remarquer que l’enquête allait être difficile vu l’étendue de l’endroit. Roland renchérit en vantant son sens de l’observation. Selene, elle, observa. Les arbres ne bougeaient pas. Ni les branches, ni les feuilles. Pas un souffle de vent ne les faisait trembler. Un oiseau, seul, s’envola à leur approche. Pour le reste, aucun signe de vie. L’atmosphère du lieu lui sembla étouffante. Peut-être même menaçante. La forêt, habituellement lieu de vie, était lugubrement figée.

- …Pas de vent, fit remarquer Selene. Pas de mouvement. Tu devrais peut-être te retourner, Sören, fit-elle doucement remarquer. Il y a des racines sur le sentier… Tu pourrais trébucher.

Elle n’aimait pas faire des remarques aux autres, craignant souvent qu’ils le prennent comme une agression, étant donné qu’elle souriait assez peu. Elle espéra que le garçon comprenne qu’elle n’était pas méprisante. S’ils commençaient à se scinder, cela pouvait très mal tourner.

Ils pénétrèrent entièrement dans la forêt, attendus par le médecin. Il annonça qu’en cas de recherches, deux groupes seraient faits. Elle n’apprécia pas trop l’idée d’être séparés, même de peu. Un duo était beaucoup plus vulnérable qu’un quatuor. Et que chercheraient-ils ?

- Avons-nous des informations précises sur ce qu’il faut trouver ? demanda-t-elle. Ou est-ce qu’on nous a juste envoyés dans la forêt avec pour seule consigne de retrouver une fille disparue sans plus d’informations ?

Une fille, ou un cadavre, ou peut-être même quelque chose d’inhumain. Elle balaya du regard le sentier et les arbres. Tout se ressemblait. Mêmes arbres, mêmes feuilles, mêmes fleurs ternes à moitiés fanées, le printemps lui-même semblant manquer d’influence sur le lieu. Et plus ils marchaient, et plus ils s’enfonçaient sous l’ombre des grands arbres.