Il la retint, l’empêcha de l’amener, comme s’il avait peur de quelque chose. Elle sentait sa main qui agrippait son bras, elle ressentait une douleur qu’elle savait imaginaire le long de sa cicatrice. Elle ne bougea pas, le contact n’était pas violent, n’était pas dangereux… Ou l’était-il ? Non. Décidément non. Son bras se détendit alors que Roland s’expliquait.
“Attends… Je… je n’ai plus besoin d’y aller. Je n’ai plus mal… Ta chanson m’a guéri.”
Guéri ? Qu’était-il en train de raconter ? Elle n’avait pas ce genre de pouvoir, ni elle, ni sa chanson. Pourtant il n’avait pas l’air de mentir… Jouait-il la comédie ? Non, elle l’avait vu faire, il était très mauvais acteur. Alors de quoi parlait-il ? Elle le fixait, essayait de comprendre, quand il leva les yeux vers elle. Elle plongea son regard étrange dans celui de Roland. Si les yeux étaient réellement le miroir de l’âme, elle aurait sondée cette dernière du début à la fin. Mais tout ce qu’elle voyait, c’était une forme d’étonnement, de questionnement. Lui aussi voulait comprendre…
“Cette chanson… elle… Tu… Mais qui es-tu ?”
Qui était-elle ? La seule réponse qu’elle avait ne lui plairait sûrement pas. Elle soupira.
“Une malade qui se soigne comme elle peut de maux irréversibles.”
Elle secoua la tête, consciente que cette phrase lui vaudrait probablement d’être prise pour une adolescente stupide pensant que le monde s’acharne sur elle parce que ses parents n’ont pas voulu lui offrir le dernier smartphone à la mode, ce genre de personnes qui en fait trop dans le seul but d’attirer la compassion d’autrui. Si elle voulait être sûre qu’il ne se fasse pas de fausses idées, elle devait lui expliquer précisément… Mais c’était hors de question. Il n’avait aucune raison de savoir. Pourquoi lui ferait-elle confiance après tout ? Tant pis, elle resterait floue pour le moment, peut-être cela suffirait-il.
“Cette chanson est le seul moyen de calmer certaines… Idées noires que je n’arrive pas à faire taire. Je suis suivie par un médecin, mais les troubles psychotiques dont je suis victime ne sont qu’estompés… Ce qui me permet déjà de me rendre compte, au moins en partie, que certaines choses ne sont pas… réelles. Pour faire simple… Je suis bizarre.”
Elle même avait conscience que ses explications étaient non seulement inexactes, mais en partie erronées. Enfin, ça ferait l’affaire. Elle lui fit un sourire, certes gêné, mais honnête, avant de rajouter :
“En tout cas… Contente de voir que quelqu’un se pose la question de qui je suis. Ça se fait rare ces temps-ci.”
Oui, cette question qu’il avait posé, c’était la question qu’elle voulait qu’on lui pose. Elle ne voulait pas y répondre, mais elle voulait que quelqu’un se le demande. Elle n’était plus seulement son apparence à présent, quelqu’un voulait savoir ce qu’il y avait à l’intérieur du beignet.