[FB 2011] Être dans la merde, suite ; Engjel

Être dans la merde, suite

- « Alors, ça, c’est bizarre ! J’te voyais plus chez les héritiers ou même chez les spectateurs, hahaha ! »

Et c’était sincère. Engjel faisait curieux et n’le faisait pas en même temps. C’était une sensation bizarre, j’le conçois, mais c’était comme ça. J’avais jamais vu de curieux qui savait se bagarrer comme ça. Certains d’entre eux s’intéressaient parfois aux techniques de self-défense ou autres, mais ils n’connaissaient généralement que la théorie et savait pas du tout pratiquer. La plupart des curieux que j’avais déjà vus étaient des rats de biblio ou des gars qui se sentaient pas à l’aise avec les autres. Des solitaires quoi. En ce sens, on pouvait dire que c’était un peu l’cas du gars qui était à côté d’moi et qui semblait kiffer l’effet d’la glace sur ses parties douloureuses. Il était vraiment un drôle d’personnage. On pourrait en dire d’même pour même pour moi, mais il arrêtait pas d’m’épater très franchement.

- « Sinon t’as l’air d’prendre très à cœur l’idée d’me soigner. Et si j’te disais que j’ai mal à la bite ? Tu ferais quoi ? Tu m’sucerais pour m’soulager p’être ? »

J’éclatai d’rire suite à ma propre blague douteuse. Parce que oui, c’était une blague. Autant j’étais assez ouvert d’esprit, autant j’étais pas gay. La perspective m’avait jamais vraiment intéressé. J’veux dire… Prendre par l’cul un autre mec… Si ça s’trouve ça devait être plaisant d’bourrer un pote, tiens, mais j’laissais ça aux autres. En plus, j’avais un gros kif pour les grosses croupes c’que n’ont pas les garçons en général. Y’en a bien quelques-uns qui sont… Bizarres, mais même avec des gens comme ça, j’me voyais clairement pas verser dedans. J’étais pas là pour juger. Chacun ses kifs comme on dit. J’me mis à détailler rapidement sa piaule sinon. Elle était dans un état bordélique, mais c’était pareil pour tous les mecs, mis à part les héritiers et les spectateurs p’être. Chez nous les insoumis, c’était une norme, le bordel !

- « Aaaah, j’capte mieux putain… T’étudies la médecine ! Tu dois être foutrement intelligent toi ! »

J’comprenais mieux pourquoi il était dans ce quartier. J’comprenais mieux aussi pourquoi il voulait tant m’prodiguer des soins aussi. Semblait pas être gay, quoique. Et puis comme j’réagirais si c’était finalement son but ? Genre m’foutre dans son lit. Quelque part, j’pense que j’serai flatté. Mais que j’détalerais vite fait après ! Si enculer m’gênait pas tant que ça, l’idée d’en prendre plein l’cul par contre m’enchantait pas forcément ! Va savoir pourquoi, hahaha ! Pis d’un coup, j’m’étais mis à flipper ! Il allait donc m’ausculter ? Et si ça s’trouvait, il pouvait m’injecter un truc qui m’foutrait dans les pommes ou qui augmenterait ma libido fissa, non ? Sans trop qu’il s’en rende compte, j’m’étais un peu éloigné d’lui…

Avant d’appliquer la glace sur moi.

Et bordel que ça faisait du bien ! Le truc qui t’fait oublier toutes tes craintes infondées, quoi.

Être dans la merde, suite

- « Motivé hein ? Je t’avoue que j’l’ai jamais été en c’qui concerne les études… »

J’étais pas stupide comme type. En fait, c’était très loin d’être le cas même. Cependant, j’étais plus du tout l’genre à m’poser dans un coin pour réfléchir comme un dingue sur un devoir ou un examen. J’les bâclais la plupart du temps en essayant d’avoir le minimum pour pouvoir passer en année supérieure. N’eut été ce gros con d’CPE, j’pense bien que j’aurai stoppé mes études et bossé en tant que surveillant ou membre d’la milice pour subvenir à mes besoins. J’le faisais partiellement, mais c’est pas comme si j’étais totalement satisfait. Même qu’on me manquait d’respect à l’occasion : Preuve en était qu’on venait d’me passer à tabac. Paie ta crédibilité, sérieux…

- « Et j’confirme que t’as une tête d’bourge. T’as déjà vu un pauvre type super beau et correctement fringué ? Pour moi ça existe pas ! ‘Fin, vu que t’es pas dans l’coin des héritiers, on va dire que t’es un mec ordinaire qui fait son bonhomme d’chemin ! »

Et ça, ça forçait et méritait l’respect. J’aurai pu m’perdre en pensées flatteuses, mais la glace que j’avais foutu sur moi m’faisait tellement d’bien que j’avais arrêté d’cogiter par la force des choses pour soupirer d’bien être. Et puis avec cette chaleur d’merde, j’dirais clairement pas non à une douche bien froide et tout. Les nippons, ça supporte pas tellement la chaleur. « T’en fais pas pour la glace et autres astuces. J’ai tellement eu d’blessures que j’sais plus ou moins comment gérer ça… » Manière d’lui dire que cette baston d’tout à l’heure n’était pas du tout un fait isolé dans ma pauvre vie d’gros délinquant. Enfin… J’étais plus tant que ça un fouteur d’merde, même s’il m’arrivait d’jouer un peu.

L’coup d’la pisse par exemple quoi…

- « Mon corps est tellement engourdi que j’saurai pas t’dire si j’saigne ou pas. Du coup, on va faire une chose. »

Puisqu’il semblait sympa et plus soucieux d’ma gueule que d’la sienne, j’comptais n’plus trop m’gêner. C’était un mec plutôt surprenant, mais j’étais pas mal dans l’genre aussi. Du coup, c’est tranquillement que j’me mis à m’déboutonner avant d’retirer ma chemise. Sang, sueur et crasse. J’étais pas bien beau, mais comme on était entre mecs, c’était pas bien grave. En quelques minutes, j’fus moins réticent à c’qu’il m’ausculte correctement. Va savoir pourquoi. C’était bien la première fois d’puis perpet’ qu’un mec m’envoyait pas chier parce que j’étais un casse-couilles. C’fait était tellement insolite chez moi que c’était sans aucun doute c’qui m’poussait à plus trop m’poser d’questions.

Trop cogiter, ça fait mal au crane. J’vous jure.

- « Pour l’urologue, tant que c’est une meuf avec un gros boule, j’suis partant pour qu’elle s’amuse, bwahahaha ! Allez l’futur toubib. Viens ausculter l’petit Kaine et soigner ses bobos ! »

Être dans la merde

- « Une migraine… Mais c’est rien comparé aux contrecoups que j’subis quand j’fais usage d’mon pouvoir, héhéhé ! Et toi ? Ça va ? Tu tiens bien ? »

J’étais plutôt content. Il m’avait débarrassé d’la partie la plus chiante du tout. Soigner les plaies. M’arrivait d’les garder exprès tel quel pour aller profiter des doigts de fée de l’infirmière la plus jolie du coin, mais vu qu’elle était parfois déjà sollicité, j’tombais généralement sur des thons. J’avais également appris moi-même d’m’en occuper d’façon sommaire, mais les soins apportés par un étudiant en médecine devaient être bien meilleurs. J’eus un soupir, puis j’enfilai une nouvelle fois mon haut. Maintenant, j’avais bien besoin d’une bonne douche. Entre la sueur, la poussière et l’sang, ouais… J’avais pas une belle gueule. Ça urgeait pas non plus, mais j’étais pas un gros porc au point d’me sentir bien dans ma peau quand j’étais sale et plus ou moins recouvert d’crasse. Et dire que j’devais me rendre en ville…

Oui parce qu’avec mon boulot à temps partiel, impossible de vivre dans l’village des insoumis. J’étais vu comme un renégat par l’ensemble du groupe depuis un p’tit moment maintenant. C’était ça que d’être surveillant et d’faire presque partie d’la milice. Mais j’m’en fichais un peu et j’regrettais pas vraiment la voie que j’avais empruntée. Fallait bien que j’fasse quelque chose d’ma vie, d’mes dix doigts quoi. Par la suite, j’me mis à mater un peu tout l’bordel du blandinet. Devait pas du tout avoir l’temps d’faire du rangement avec ses études, l’gars. J’pouvais l’plaindre mais non. C’est pas comme s’il avait été forcé d’suivre cette voie. Sa force d’caractère était franchement à saluer. J’aurai pas pu faire pareil. Du coup, j’me mis à agiter mes doigts dans l’vide avant que tous ses livres n’se mettent à léviter d’un coup…

- « Allez, j’suis d’bonne humeur. Et puis j’te dois bien ça ! »

En quelques secondes seulement, ses livres et cahiers formèrent deux piles bien rangées et bien distinctes avant d’aller s’poser dans un coin d’sa piaule. P’tite magie que voilà. S’il n’avait pas été un étudiant d’Ethiareal, j’me serai jamais permis ça. J’me demandais d’ailleurs à quel niveau il devait être en ce qui concernait la maitrise d’son pouvoir. Pour ma part, j’tendais presque vers l’expert. C’était pas encore assez à mes yeux, mais c’était suffisant pour mettre au tapis pas mal de personnes. Par contre, l’CPE m’avait interdit d’en faire usage pour mes p’tites querelles sauf dans l’cadre d’mon job ; ce qui expliquait pourquoi j’n’avais rien utilisé. Un ex-insoumis qui s’pliait aux règles hein… Marrant ! « Niveau don, j’ai cru apercevoir des éclairs autour d’tes mains. T’as l’air balèze ! » Et pas qu’un peu, on aurait dit…

- « Enfin… T’as pas un truc à bouffer vite fait ? »

Kaine ou comment passer du coq à l’âne. Le tout avant que j'me remette à utiliser d'la glace.

Être dans la merde, suite

- « Eh bien… Si tu y réfléchis bien, y a plusieurs raisons à ça et la première est assez évidente : N’pas devenir des bêtes d’foire ou des parias ! T’en connais beaucoup d’humains, qui nous accepteraient aussi facilement sans broncher ? »

Est-ce que les humains seraient prêts à accepter leurs différences ? Est-ce qu’ils regarderaient sans broncher ? Y’a avait certes des magiciens, des prestidigitateurs et des phénomènes d’la nature qui s’expliquaient pas, mais c’était carrément pas la même chose. Trop d’différences. Trop d’divergences. Trop d’trop dans cette histoire en fait. D’ailleurs, certains films comme les X-men, qui avaient beau être des fictions, nous montraient toutes les ségrégations et l’racisme que pouvaient essuyer des gens comme nous. Y’avait du vrai dans leurs conneries en fait. C’était presque chelou de penser comme ça, mais j’y pouvais rien. Et puis, j’avais beau m’faire détester par pas mal d’gars dans l’coin que notre académie, j’la kiffais quand même. Sans elle, Dieu seul sait c’que j’aurai été à l’heure actuelle. Mort, p’être ?

- « Et puis t’imagines pas l’nombre d’scientifiques qui s’amuseraient à nous disséquer et à tenter des expériences chelous sur nous. J’te parle même pas des grandes puissances qui s’serviraient d’nous pour la guerre et autres joyeusetés du même genre… »

Bon, l’délire là, il partait loin. Très loin même. Mais l’blandinet pouvait voir que j’disais pas des conneries s’il poussait un peu plus loin la réflexion. Après, c’était une question sur laquelle j’m’étais penché plusieurs fois. Même que dans mes premières années également, j’m’étais plusieurs posé la question. Pourquoi on cache nos pouvoirs ? Pourquoi on se camoufle ? C’était quoi ce système merdique ? Ouais… Autant dire que ça intrigue au premier abord. Mais après… « Pour c’qui est des élèves entre eux, c’est p’être pour éviter la panique ou les cafteurs etc. » J’voyais que ça. Y’a des élèves qui pouvaient être tentés d’aller balancer d’autres pour créer la panique et l’bordel. Pour ça que quelque part, la plupart des gens taisait la nature d’leur pouvoir. Pour être un peu tranquilles et ne pas être emmerdés.

- « Et puis j’viens d’te l’dire non ? Beaucoup d’pouvoirs sont dangereux pour l’utilisateur lui-même. N’parlons pas d’son entourage. J’suis un exemple. C’est malheureux, mais c’est comme ça… »

J’avais fini par me lever pour aller dans sa cuisine. Plutôt que d’poser l’assiette sur l’évier et d’revenir comme un enfoiré, j’entrepris d’la laver directement. On aurait pas dit, mais j’étais pas qu’un connard fini. Avec les bonnes personnes, j’étais un chic type. Comment ne pas l’être avec Engjel avec c’qui venait d’se passer ? Et dire qu’il m’avait nourri. Une première. ‘Fin, j’exagérais. Y’avait bien des meufs qui m’faisaient à manger, mais c’était généralement pour m’attirer dans leur lit. Comme quoi… « Tu peux aussi tourner le problème dans l’autre sens. C’est aussi pour nous apprendre l’humilité et éviter qu’on en abuse dans la vie active. » En gros, l’dirlo voulait sauver aussi la peau des personnes normales. Car quoiqu’on dise, tous les « mutants » d’cette académie pouvaient facilement constituer une armée…

- « On pourrait buter ou asservir pas mal d’gens avec des capacités comme les nôtres… Et ça, c’est aussi l’revers de la médaille… »

J’étais finalement revenu d’la cuisine et j’finis par avaler un truc vite fait.

- « Par contre, là où j’te rejoins complètement, c’est au niveau du dirlo. Il est clairement chelou. Personne n’arrive à l’cerner et à savoir c’qu’il veut. Mais bref… Il nous a offert un avenir, c’pas plus mal. »

Là-dessus, j’chopai mon sac avant d’m’étirer dans tous les sens.

- « C’est pas tout ça mais va p’être falloir que j’rentre chez moi. J’vais pas abuser d’ta gentillesse et il commence à s’faire tard d’toute façon ! Pis tu dois avoir des choses à faire, j’présume. Donne-moi ton numéro et ton mail, qu’on puisse trainer ensemble souvent. »

Et c’est tout sourire que j’avais sorti mon smartphone.