Je ne te dérange pas ? Parce que toi, si [PV George Wilson]

Il n’y avait jamais vraiment personne dans l’allée des Roses, qui était pourtant considérée comme étant un endroit magnifique avec un chemin soigneusement tracé sur un parterre de ces fleurs rouge sang. Une odeur virevoltait dans les airs, prouvant la véracité de ces roses. Une odeur à la fois envoûtante et dangereuse, car elle donnait envie d’aller explorer plus loin. En fait, plus loin, là où se trouvait le kiosque.

Un kiosque maudit, disait-on. Que tous ceux qui finissaient par se retrouver là-dessous étaient maudits et finiraient par connaître une fin tragique. Et blablabla. Des légendes avaient souvent été rapportées à Zera à ce propos. Un couple de lycéens qui s’y étaient embrassés dessous pour finir par mourir plusieurs jours plus tard, le même jour, au même moment.  “Vraiment?” se souvenait avoir murmuré d'une voix exagérément faible Zera, en entendant cette histoire pour la première fois. Des conneries. Encore des conneries pour amuser et effrayer la galerie. La jeune femme pouvait croire aux histoires paranormales.  En même temps, l’existence même de l’académie d’Ethiareal était paranormale. Mais elle se montrait sceptique aux malédictions. Ce couple de lycéens, s’ils avaient vraiment excité, avait dû mourir comme chaque personne devait forcément mourir un jour. C’était plus divertissant d’y ajouter les détails en arrière-plan.  

Et puis, lorsqu’une rumeur se propageait, elle finissait toujours à la fin par ne jamais être ce qu’elle avait réellement été au début.  Zera s’y connaissait bien, elle était souvent la fondatrice de nombreuses rumeurs dans l’établissement.
Mais elle était également quelqu’un pleine de curiosité. Alors, paradoxalement, prétendre qu’une malédiction ne puisse toucher cet endroit et ne jamais y avoir mis les pieds auparavant pour vérifier, prouvait qu’elle y croyait quand même un p’tit peu… Mais jamais elle ne l’avouerait pour rien au monde, surtout quelqu’un de mauvaise foi comme elle !

Alors pourquoi se trouvait-elle ici ? À l’allée des Roses, non loin de ce kiosque maudit ? Ce n’était pas la première fois qu’elle venait ici. Et ni la dernière. Cette rumeur concernant cet endroit avait permis de vider les lieux et, par conséquent, de se retrouver dans le calme et la tranquillité. Après tout, même quelqu’un comme Zera en avait besoin!

Tandis qu’elle s’approche, elle se rend compte que quelqu’un se trouve déjà là. Merde! pense-t-elle très fort intérieurement. C’était bien sa veine.  Elle avait la flemme de faire la gentille aujourd’hui. Ne pouvait-on pas être seul tout simplement ? Et puis, qui donc serait assez fou pour s’approcher également du kiosque maudit? Un peu aveuglée par le soleil, elle plisse les yeux pour discerner mieux la personne. C’était un jeune garçon, entièrement noir de la tête au pied, mais dont l’uniforme montrait sans grande surprise, qu’il faisait partit de l’établissement.

Lorsqu’elle finit par croiser ses yeux, un sourire gêné se forme sur ses lèvres. Un sourire qui paraît si naturel, qu’on ne peut que tomber dans le panneau:

“Je suis désolé… Je te dérange? Je pensais qu’il n’y avait personne… elle poursuit précipitamment en agitant ses mains d’un air faussement maladroit. Si tu veux, je peux te laisser!"

Elle regarde longuement d’un air doux les fleurs qui bordent le paysage et ajoute :

"C’est juste que… c’est si beau !"

Sa promenade prit fin au niveau du kiosque : ne sachant que faire de sa journée, il avait décidé d'explorer un peu plus les lieux. C'est ainsi qu'il arriva au parc et y resta durant tout l'après midi, chose incroyable vu comment le lieu le repoussait : partout des fleurs, des fleurs et encore des fleurs. Pourtant d'une incroyable diversité, créant de formidables mélanges de couleurs et de parfums savamment composés, d'espèces communes et rares, pour lui c'était juste des fleurs. Des trucs inutiles, comme il disait, qui empestent l'air tellement l'odeur est trop forte. A chaque fois, il les observait d'un regard distant, et daignait les sentir. Le seul moment de répit fut le lac, où il y passa le plus clair de son temps.

Et là, il arriva au pire, encore pire que ce qu'il imaginait : une allée dont les plates-bandes sont entièrement recouvertes de roses au maximum de leurs floraison. C'était l'un objets qu'il s'était mis à détesté, et ici il en était entouré. La senteur, si agréable et envoûtante à la base, devint une cause de nausée pour lui. Tout cela, ça puait l'amour et les couleurs vives. Alors il se contenta de traverser sans même les regarder de plus près, et s'arrêta devant le kiosque. Un endroit, qui, de tout le parc, allait être celui qu'il préférait : visiblement délaissé et à l'intérieur si sombre par rapport à l'éclatante lumière du jour...

Tandis qu'il se retourna pour observer une dernière fois le paysage, une jeune femme à la chevelure aussi rose que la décoration florale se pointa devant lui. Elle lui parla d'un ton complètement désolé, comme si elle s'excusait d'être là.

“Je suis désolé… Je te dérange? Je pensais qu’il n’y avait personne… Si tu veux, je peux te laisser!"

Si au premier abord il aurait préféré être seul, sa présence ne le dérangeait pas, car il s'avouait à lui même que cette personne n'était pas désagréable à regarder : des traits fins et élégants, qui donnaient tout une douceur à son visage, lui même éclairé par des yeux dorés et pétillant, et le reste mélangeant à la fois une finesse et une générosité des formes. Ses vêtements, très légers, ne faisaient qu'épouser son physique, mettant ainsi en valeur quelque chose de sublime. Et, comme si elle avait lu dans les pensées du jeune homme, elle continua :

"C’est juste que… c’est si beau !"

Se surprenant à se laisser charmer par les atouts cette fille, tant il avait commencé à se perdre dans l'observation de ceux ci, il répliqua immédiatement, comme pour se sortir de sa torpeur :

"Oh non, tu me déranges pas, tu... Euh, toi tu fais quoi ici ?"

Zera observe les fleurs avec émerveillement.  Alors qu’en fait, ce n’est pas exactement ça qu’elle ressent en cet instant précis.  Elle consciente que le jeune homme la regarde.  Qu’il s’est perdu dans la contemplation de ses atouts. Elle est consciente que le charme à commencer a opéré. Et cela la satisfait au plus haut point. Elle préfère quand tout fonctionne dans son sens. Ne pas maîtriser la situation, perdre ses moyens ou pire se sentir inférieur face à autrui, quel sentiment horrible… Heureusement cela ne lui arrivait jamais pratiquement jamais. Car, on ne sait comment, elle a toujours une longueur d’avance.

Le jeune homme semble finalement sortir de sa torpeur et bégaye presque en lui demandant ce qu’elle peut bien faire ici.
Et alors ? Qu’est-ce que ça peut te faire ce que je fou là? On ne peut pas être seul quelques secondes dans cet établissement?

Elle ne répond pas tout de suite puis se baisse pour humer le parfum des roses qui hantent l’endroit. Elle ferme les yeux pour profiter de cet instant tandis que le vent fait envoler sa longue chevelure rose:

“En fait, cette endroit m’inspire. Il ressemble à un conte de fée. Les roses, le parfum…  Ce n’est pas comme dans les films ? Ou les romans ? Ca me donnait un petit peu l’impression de devenir l'héroïne de quelque chose...”

Puis ne le laissant même pas répondre à cela, elle pouffe de rire. Non, elle ne le pense pas une seule seconde. C’est bien trop niais. Mais c’est le cas de la fille qu’elle interprète. Celle qu’on a l’habitude d’aimer. De trouver mignonne. Dans ses habitudes, ses manies. Des petits détails qui peuvent faire tout un charme.
Elle se relève et rentre son regard dans le sien:

“Tu dois me trouver un peu bizarre non? Ahhhh, c’est embarrassant! Voilà, j’suis sûr que j’suis en train de rougir!”

Elle pose ses deux mains contre ses joues comme pour accentuer son embarras. Non, elle ne rougit pas. Elle n’est pas magicienne. Enfin, elle n’est pas experte dans ce genre de tour de magie-là.
Néanmoins, elle s’approche pour le rejoindre et lui tends la main:

“A ce propos, je ne me suis même pas présenté! Mon nom est Zera, Zera Mitsune !”