Quel endroit mystérieux

♪ [clique]

Aimé effectuait sa petite course effrénée et calme du matin, sentant la brise du vent qui, avec délicatesse, soufflait dans ses cheveux dépassant de sa casquette. Oui, ceux du devant, le peu restant. C'était ça la liberté, courir là où on veut, avec la musique que l'on veut dans les oreilles, sans personne aux alentours. Il prend une grande inspiration en ralentissant. Il essuie la sueur de ses tempes et regarde aux alentours. Quel magnifique endroit. Un arbre gigantesque procurant mille senteurs en son centre. Comment est-il arrivé ici ? Il regarde derrière lui, les grilles sont ouvertes. Il ne se rappelle pas d'être déjà venu ici. À sa rentrée en septembre, tout était fermé et quelques élèves dont lui regardait sans le voir cet endroit.Oui, il y avait des broussailles tout autour de la place qui préservait la magnificence de tel ou tel fleur. Ça sentait terriblement bon, un goût poivré par ci, un goût de miel par là. "Aaaaah" Un soupir bref et conséquent. Il était heureux d'être ici avant que les cours commencent, il y avait quelque chose de plus que la solitude, ça se ressentait. Peut-être un brin de spiritualisme ? Y avait-il meilleur endroit pour se ressourcer ? À vrai dire, les rumeurs allaient bon train sur l'endroit fermé la moitié de l'année. Aimé avait choisir de ne pas croire les balivernes de quelques écervelés. Tout respirait la paix, qu'est-ce qu'il y aurait pu y avoir de néfaste en ce lieu ? Il s'approchait de l'arbre et mettait la main dessus. Il se croyait seul, fermait les yeux, posait sa tête contre cet être tout fleuri et chatoyant. Dans l'ombre, sans faire de bruit, quelqu'un approchait. De toute façon, le jeune homme n'aurait pu l'entendre avec la musique qui pulsait dans ses oreilles.
Peut-être dérangeait-il le calme propice avec sa musique trop forte ?

Il est assis, le dos contre le tronc de l’arbre. Qui l’aurait contourné l’aurait vu et se serait probablement dit qu’il est en train de profiter de la douceur que procure l’atmosphère paisible de cet endroit. Ha ha. Que nenni. Il s’en moque bien de l’atmosphère paisible ! Lui, ce qu’il veut, c’est prouver qu’il a raison. Après tout, il le sait. Il l’a vu. Il l’a… senti, en tout cas. Enfin, quelque chose comme ça. Alors il attend, patiemment, tel un prédateur qui fait le mort en attendant que sa proie s’approche… Jusqu’à ce que PAF ! PHOTO ! Qui dit photo dit preuve et quand bien même ça ne fonctionnerait pas… Il jouerait un peu avec un logiciel de retouche. On peut mentir aux autres, si c’est pour la bonne cause, non ? Les gens doivent savoir.
Il s’impatiente. Le temps passe trop lentement. Ça doit faire au moins deux heures qu’il est là. Il hésite, attrape son téléphone. Presque quinze minutes… C’est pareil. Le temps passe… Vraiment trop lentement. Mais un bruit, puis un nouveau, des bruits ? Il y a quelque chose !
C’est là !
Il se lève, doucement, marche sur une branche qui craque, s’arrête de respirer, écoute. Le bruit est toujours là. Son appareil photo en main, il commence à avancer le long du contour de l’arbre. Un pas après l’autre, un pas après l’autre. S’il fait un pas de plus, il pourra probablement le voir. Il prépare son appareil, fait un pas supplémentaire. Une ombre. C’est humanoïde… Ça ne peut qu’être lui ! Il plonge vers sa cible, en déclenchant au passage une rafale de photos. Mais ce n’est que…
BUNK
“Uuurgh… Ma pauvre épaule…”
Ce n’est qu’un type lambda. Avec une casquette en plus. Probablement un genre de hipster… sans barbe. Il vérifie que son reflex numérique n’est pas endomagé, époussette son t-shirt “Game of Thrones is so mainstream” et remet ses lunettes en place. Visiblement, il lui est tombé sur les pieds.
“Fais chier !” lance-t-il. “Juste un humain nul ! Qu’est-ce que tu fous ici sans déconner ?!”
Son visage est clairement bien plus déçu qu’agressif. En même temps, il ne sait pas être agressif. Il parle bien trop pour ça. Personne ne le prend jamais au sérieux lorsqu’il s’énerve…

Et voilà qu'un individu lui tombe sur les pieds en prenant une série de photos.. Enfin, avec un appareil entre les mains, qui sait ce qu'il en faisait avant de se rétamer sur les baskets d'Aimé. Le jeune athlète est des plus surpris, laissant échapper un petit cri loin des nuances masculines habituelles. Il se reprend, tousse et enlève sa musique pendant que l'individu se relève en grommelant. Les deux hommes semblent bien trop proches pour quiconque arriverait à ce moment-là. Aimé est un humain nul. C'est décrété sans vergogne par le photographe-nerd-on-ne-sait-pas-trop-quoi. Le jeune homme à la casquette soupire, est-ce qu'il vaut vraiment la peine qu'on lui réponde ? Est-ce qu'une connaissance aussi peu intéressante pourra lui servir ? Sûrement pas. Il regarde autour de lui sans s'écarter et respire à nouveau les plantes qui s'épanouissent sous les premiers rayons. Certaines s'ouvrent à nouveau, d'autres étaient matinales et déjà les pétales sorties. Peut-être, avaient-elles passé une nuit blanche ? Reprenant sa position de tantôt, il cherche les yeux de son interlocuteur, non pas pour le mettre mal à l'aise ou pour le défier, juste pour avoir ce contact des plus simples et des plus doux qui signifie "Je t'écoute et tu m'écoutes". Une conversation partagée le temps de quelques secondes est bien plus utile qu'un blabla inutile durant des heures.
- "Je me réveille avec la douceur des senteurs contrastant avec ma sueur nauséabonde."
Après quelques secondes de silence :
- "Peux-tu me dire pourquoi tu as écrasé violemment mes petits petons ?"
Encore un contraste intéressant, les belles paroles et les "petits petons". Aimé sourit, c'est mignon non ? Les petits petons. Il ne sait pas d'où lui vient cette expression pour désigner les pieds, mais il avouerait sûrement la préférée aux pieds classiques, lui faisant penser à un appendice assez sale au final. En face de lui, le jeune homme pourrait croire à un sourire charmeur, il n'en est rien, mais comment aurait-il pu le savoir ? Les effluves de fleur sont presque annulés par la transpiration du sportif. Elle ne sent pas mauvaise pour autant, les deux s'annulent. Quant à l'haleine perçue dû à leurs proximités, elle a légèrement des pincées d'acétone due à la faim insatiable du lycéen, mais on y dénote aussi quelques nuances de jasmin dû à son dentifrice non-commun. En soit, l'haleine d'Aimé rappelle un peu les fleurs alentours tout en imposant cette masculinité remarquable.