Rencontre sportive [PV Alekseï Volf]

Vendredi, fin de journée. Selene s’étira en sortant du bâtiment abritant les cours. La plupart des élèves s’en allaient d’un pas rapide et sortaient de l’enceinte de l’établissement, rentrant au plus vite chez eux pour profiter de leur week-end. La jeune femme, quant à elle, se dirigea vers le complexe sportif. Sa journée n’était pas terminée. Il lui restait encore tant de choses à faire… sa séance, bien sûr, puis passer à la bibliothèque, rentrer peut-être enfin chez elle…

Elle sortit une clé de sa poche et ouvrit son casier pour y attraper son sac de sport. Avec un peu de chance, si elle finissait son entraînement sans prendre de retard, elle pourrait sortir à temps pour voir le coucher de soleil. Elle entra sans bruit dans son vestiaire, bien que de toute manière, à cette heure, personne ne soit présent dans l’enceinte. Rares étaient ceux ayant le courage de prolonger leur vendredi soir.

Une sous-partie de la salle multisport était dédiée à la musculation. Des appareils en tout genre et des haltères la peuplaient, immobiles et silencieux, objets morts de cet endroit désert. Selene avait pour habitude de travailler avec un léger fond musical : de toute façon, elle ne dérangeait personne. Cependant, aujourd’hui, la salle laissait déjà échapper une mélodie. Elle partagerait l’endroit avec une autre personne ce soir. C’était assez inhabituel, mais après tout, les sportifs n’étaient pas rares dans l’académie. Elle croisait plus souvent de monde au gymnase qu’à la vieille bibliothèque de l’établissement, qui pourtant possédait un charme infiniment plus puissant que ce bâtiment sportif en béton.

Tout en préparant son matériel, elle jeta un œil à l’individu qui, de toute évidence, était en début de séance. C’était un jeune homme qui devait avoir environ son âge. A sa carrure, elle conclut facilement qu’il s’agissait d’un sportif régulier et de bon niveau. Comme elle, il possédait des cheveux noirs et des yeux bleus. Il paraissait concentré, et elle ne voulut pas le déranger. De toute façon, les gens n’aimaient pas trop qu’elle les approche. Une amie lui avait dit un jour que c’était à cause de son regard. Elle n’avait toujours pas compris. Mais ça ne la dérangeait pas. Elle n’avait pas besoin d’être entourée de beaucoup de personnes, et préférait le calme au brouhaha de la foule. Alors, si on l’évitait parce qu’elle « faisait peur », pourquoi pas ?

Elle jeta un œil à son tee-shirt, s’assurant que ses cicatrices étaient invisibles. Le seul souvenir que lui ait laissé son père. Et qui attirait de plus les regards à la curiosité morbide. De toute façon, le garçon était trop absorbé par sa tâche pour prêter attention à un tel détail.

Elle monta sur un tapis de course et commença à s’échauffer.

Tu t'appelles Alekseï Volf, et ceci est ton quotidien.

Ce soir, c'est le week-end. Tu vois tout le monde courir vers leurs quartiers respectifs. Ils sont heureux que ce soit de week-end, qu'ils puissent enfin se reposer. Mais pas toi. Toi, ta journée n'est pas encore terminée. Pendant que tout le monde s'en va, tu pars, regard bas, vers le complexe sportif. Tu ne peux pas laisser tomber l'entrainement que tu as entretenu toutes ses années et qui te donne ta musculature peu commune. Après un vite changement dans les vestiaires, tu entres dans la salle équipé simplement d'un T-shirt gris clair, d'un pantalon de survètement, et, évidemment, de la plaque militaire de ton père.

Pour commencer ta séance, tu fais une petite séance d'étirements, que tu finis le plus vite possible: tu n'aimes pas ça, mais c'est nécessaire, pour ne pas souffrir plus tard. Ensuite, tu commences une routine de cardio fractionné: tu enchaines les travaux de musculation, et, en même temps, tu fais de la course, ou autres travaux d'endurance. Tu sens la sueur glisser sur son front, et tu te sens dans ton élément, enfin. Cela faisait une journée entière que tu devais suivre des cours qui te laissent toujours avec plus de questions que de réponses, et enfin tu pouvais être actif...

Pendant que tu faisais une séance d'abdominaux, ta tranquilité est soudainement ruinée par l'arrivée d'une personne. De loin, tu la regardes entre deux mouvements: elle semble plutôt musclée, un peu comme lui, semblant affirmer qu'elle est elle aussi sportive; elle a des yeux bleu acier qui ressortent de son visage, et sa chevelure noir de jais (merci les rares souvenirs des cours de tchèque) lui donnait un air pâle. Encore une personne à éviter, et en plus, dans l'environnement où, pourtant, tu es sensé être le plus à l'aise...

Tu t'arrêtes un peu. Tu as soif. Tu dois te désaltérer, au plus vite. Tu va fouiller dans ton sac de sport... Tu n'as rien. Pas même une petite gourde. Et tu te souviens. Tu ne t'es pas encore parfaitement habitué au rythme de vie de l'Académie: tu as passé trop de temps à entretenir l'uniforme de ton père, au point d'oublier la bouteille d'eau sur ta table. Tu te sens tellement bête que tu en as envie de fracasser la main sur ton crâne. Au lieu de ça, tu met simplement la main sur ton visage, livide à l'idée que tu fasses un oubli aussi ridicule, et tu soupires à l'idée de devoir demander l'eau à quelqu'un d'autre. Tu rentres la plaque dans ton T-shirt, et tu t'approches d'elle. Elle est sur un tapis de course, alors tu espères ne pas la déranger, alors que tu lui parles le visage de profil

-Excuse-moi... Je pourrais avoir de l'eau, s'il te plait?

Selene regardait droit devant elle, les yeux fixés sur un point lointain et imaginaire. Elle courait d’un pas automatique, plongée dans ses pensées. La course lui permettait de ne plus se concentrer sur rien, et de laisser son esprit divaguer en liberté. Elle remontait d’abord tranquillement le fil de sa journée, puis s’élevait au-delà du temps, associant des bribes d’images et de sons sans plus de logique. Revenant légèrement à la réalité, elle jeta un coup d’œil à la machine. Dix minutes. Elle releva la tête et recommença à fixer l’horizon.

Elle sentit soudain un mouvement sur droite, tourna légèrement la tête et vit du coin de l’œil le garçon se diriger vers son sac de sport. Elle l’entendit ensuite soupirer. Elle regarda à nouveau droit devant elle. Il restait deux minutes. Cependant, elle dut s’arrêter avant : une voix venait de s’adresser à elle.

-Excuse-moi... Je pourrais avoir de l'eau, s'il te plait?

Elle cessa sa course et tourna la tête vers le garçon, qui, lui, semblait s’obstiner à ne pas la regarder en face. Elle n’avait pourtant rien fait de spécial… Il semblait un peu pâle, et nerveux. En voyant qu’il n’était pas très à l’aise, elle sourit et descendit du tapis de course.

- Bien sûr, mon sac est là-bas.

Elle lui montra du doigt l’objet en question, adossé près de la porte d’entrée. Le jeune homme avait l’air de mourir de soif. Elle le fixa, quelque peu longuement comme à son habitude, et déclara :

- Prends-en autant que tu veux, je ne bois pas beaucoup, de toute façon.

Elle savait que ce n’était pas recommandable, surtout avec son mode de vie rythmé, mais elle ne ressentait absolument pas le besoin de s’hydrater.

En le voyant de plus près, elle put confirmer sa première impression : ce garçon était un grand sportif. Dans tous les sens du terme : elle devait relever les yeux pour lui parler. Elle qui était plus grande que la moyenne féminine, ce genre de chose lui arrivait assez peu souvent. Il était à première vue plus musclé qu’elle, mais ce n’était pas étonnant : elle avait déjà remarqué quelle difficulté les femmes éprouvaient à acquérir de la masse musculaire, du moins comparées aux hommes. Ça ne la dérangeait pas. Au moins, elle n’avait pas à racheter des habits tout le temps. Elle qui détestait le shopping et la foule (et les enragées des soldes), ça tombait même plutôt bien.

Souhaitant détendre l’atmosphère, qu’elle sentait tendue, elle demanda :

- Quel est ton nom ? Je viens souvent ici, mais je ne t’ai encore jamais vu…

Tu détestais l'idée d'interrompre quelqu'un dans son effort physique, mais tu n'avais pas trop le choix, là. Tu ne sentais presque plus l'intérieur de ta bouche, tellement tu avais soif. En la regardant du coin de l'oeil, elle semblait curieuse à l'idée que tu ne la regardais pas dans les yeux. Quoi, n'est-elle pas contente que tu baisses les yeux avant même de la regarder "normalement"? Elle pointa son sac, où, apparemment, il y avait beaucoup d'eau. Beaucoup d'eau qu'elle ne buvait pas. Ca sentait comme une moquerie, sur le coup: comme si elle riait de son besoin d'eau.

-Merci.

Tu t'approchas du sac. En effet, il y avait assez d'eau pour une unité entière. Tu prennais une bouteille d'eau. Tu avais tellement soif que tes mouvements en étaient brusques. Et quand tu ouvras la bouteille, tu as eu la merveilleuse idée d'en renverser sur ton T-shirt. Déjà que la sueur commençait à le faire coller à la peau, maintenant, le T-shirt était partiellement transparent, montrant les muscles abdominaux et pectoraux. Mais tu ne t'en préoccupais pas. Tout ce qui t'importait, c'est que tu n'avais plus soif. Tu as bu tout le contenu de la bouteille, et tu la jetas à la poubelle, en passant la main devant la bouche pour retirer l'eau sur tes lèvres. Tu fus pris de court quand elle demanda ton nom. Pourquoi elle le voudrait? Enfin, tu ne peux pas le garder pour toi, malheureusement.

-A-Alekseï Volf, pourquoi? ... E-et toi?

Tu étais tellement surpris de ta question que tu t'es surpris à begayer. Cela t'énervait, et pour passer ton énervement, tu pris des gants de boxe, et tu te décidas à taper dans un sac de frappe. C'est étonamment utile, la boxe. Surtout pour un soldat. Ca permet d'apprendre à analyser l'adversaire, pour savoir comment réagir. Tu devrais rejoindre le club, ça t'apprendrais à voir ce qu'elle aurait voulu. Pendant que tu te défoules sur un sac de frappe avec des mouvements clairement amateurs, tu gardes un oeil derrière toi, sur la fille. Ce n'est pas courant, une fille qui fait du sport sans que ça soit pour ses atouts physiques. C'est appréciable. Enfin, tant qu'elle évite de trop te parler...