Lauryn était une jeune femme qui aimait s’imposer des objectifs, généralement culturels, pour se forcer à faire des choses qu’elle ne ferait pas habituellement. Elle était persuadée qu’essayer de sortir de ses habitudes était une bonne chose, mais sans planning, elle finissait juste par oublier. C’est pourquoi elle avait décidé de se créer un carnet de « choses à faire » par semaine pour se motiver. Cela marchait plutôt bien avec elle, elle avait étudié le théâtre italien un après-midi et avait lu un roman sur le thème de la guerre, thème qu’elle évitait, car le sujet la rendait mal.
Aujourd’hui, c’était déclamer de la meilleure manière, en respectant bien le rythme et les rimes, des poèmes qu’elle aimait bien. Elle espérait aussi que cette manière de faire l’aiderait à apprendre les poèmes pour finir par ne plus avoir besoin du texte pour les réciter. Malheureusement, elle ne savait pas trop où s’entraîner, elle n’aimait chez elle, les murs étaient trop fins et un de ses voisins aimait mettre de la musique toute la journée, de ce fait, elle était rarement chez elle. Si elle pouvait vraiment considérer ce lieu comme un endroit familier.
Elle n’avait pas eu beaucoup de cours ce jour-là, de ce fait elle avait tout le temps pour faire ce qu’elle voulait. Elle avait terminé à l’avance, ces devoirs et les livres à lire, de ce fait, elle avait tout le temps pour elle. Elle était néanmoins restée dans son uniforme obligatoire montrant son appartenant à la faculté de l’académie, elle avait rencontré beaucoup plus de lycéens que d’universitaires. Sa jupe arrivait à ses genoux, il faisait généralement trop chaud pour qu’elle porte une robe longue et ses chaussettes ne dépassaient pas ses chaussures noires. Elle était en tee-shirt et avait accroché sa veste noire autour de sa taille. Aujourd’hui, au lieu de sa coupe de cheveux habituelle, elle s’était fait un chignon haut.
Elle s’était donc mise à vagabonder dans l’académie pour trouver un lieu calme. Le parc était l’un de ses lieux préférés, les arbres aidaient face à la chaleur, mais il y avait malheureusement toujours énormément de monde. Elle ne pouvait pas les blâmer, elle faisait exactement la même chose à cet instant. Tout en airant telle une âme en peine, elle remarqua un petit square et personne n’y était. D’ailleurs, au même moment, une élève qui passait fit un écart comme si elle avait peur de s’en approcher. Bizarre. Elle haussa les épaules et s’y dirigea. Ce n’était qu’un lieu, entouré de jolies fleurs qui plus est.
C’est ainsi qu’elle se retrouva protégée du soleil, dans un si bel emplacement et sans une âme pour la déranger, c’était parfait. Elle pose son sac sur le petit banc qui était à l’intérieur et sortit sa liste de poèmes préparée pour l’occasion. Elle avait choisi de commencer cet exercice avec des autres anglophones, étant donné qu’un poème était toujours meilleur dans sa langue d’origine et qu’elle avait encore du mal à prononcer des mots français. Le « r » était son ennemi juré.
Elle avait choisi
Ozymandias de Percy Bysshe Shelley. Elle le lu une fois à voix basse, pour être plus sûre lorsqu’elle lirait à voix haute. Une fois satisfaite et ayant bien compris le rythme, elle inspira et se lança, essayant de mettre le ton au moment de la partie dialoguée :
« OZYMANDIAS
I met a traveller from an antique land
Who said: "Two vast and trunkless legs of stone
Stand in the desert. Near them, on the sand,
Half sunk, a shattered visage lies, whose frown,
And wrinkled lip, and sneer of cold command,
Tell that its sculptor well those passions read,
Which yet survive, stamped on these lifeless things,
The hand that mocked them and the heart that fed,
And on the pedestal these words appear:
'My name is Ozymandias, king of kings:
Look on my works, Ye Mighty, and despair!'
Nothing beside remains. Round the decay
Of that colossal wreck, boundless and bare,
The lone and level sands stretch far away. »