Une histoire de pot de peinture... [PV Jack]

Le talent ? Qu'est-ce qu'était le talent au final ? Qui décidait qu'une personne était talentueuse ou bien plus talentueuse qu'une autre ? Nombreux étaient les artistes qui avaient tenté de trouver une définition à cela, créant des nouvelles formes d'art, les unes après les autres. Malheureusement, toutes ces formes d'art n'avaient en rien expliqués qu'est-ce qu'était le talent. Elles avaient même, si je pouvais me le permettre, embrouillés encore plus l'esprit des gens. L'exemple le plus flagrant avait sans doute été le « ready-made » de Duchamp, qui avait repoussé jusqu'à la limite le concept de création artistique et de talent.

Pourtant, malgré tout cela, je pensais avec toute sérénité que j'avais du talent. Pas d'une façon arrogante, en montrant à tout le monde ce que je savais faire et à quel point j'étais meilleur qu'eux mais, je me réconfortais avec l'idée que j'étais fort au moins dans quelque chose. Et ce quelque chose était la peinture.

Ce qui avait été au départ qu'un simple hobby, un passe-temps, s'était transformé en une véritable passion. Je ne saurais dire à quel moment une telle transformation s'était faite ; quand je revenais sur des moments passés, j'avais toujours cette sensation que la peinture avait été une partie intégrante de ma vie. Et cela, même depuis ma tendre enfance. Il n'était donc pas surprenant que la peinture avait désormais une place primordiale dans ma vie, au point où j'étais prêt à me retrouver dans n'importe quelle situation pour avoir un pinceau dans les mains.

Cependant, peindre les décors pour le groupe théâtre n'était pas vraiment le genre d'expérience qui m'enchantait le plus. La créativité et l'originalité n'étaient pas au rendez-vous. Je devais me contenter de donner vie à leurs idées de décors. Au départ, j'avais juste accepté par politesse mais, maintenant que j'y étais, je regrettais un peu mon choix. La seule chose qui me réconfortait dans ma décision était le fait que toute expérience était bonne à prendre.

J'étais donc installé par terre, des pots de peinture tout autour de moi, afin de ne pas avoir trop de mouvement à faire entre la peinture et mon support et donc ne pas en mettre partout. Je m'occupais à ma tâche tranquillement et sans attirer l'attention sur moi. Après tout, la peinture nécessitait un minimum de calme.

Par conséquent, jamais je n'aurais pensé causer le moindre soucis. Pourtant, les soucis furent au rendez-vous. Et ils se manifestèrent sous l'apparence d'un jeune homme et d'un pot de peinture...

Tout commença alors que j'étais concentré sur ma tâche. Comme toutes les fois où je peignais, je ne faisais pas attention à mes alentours. Peut-être cela avait été ma première erreur, peut-être aurais-je dû prêter plus d'attention à ce qu'il se passait autour de moi. Néanmoins, je ne le fis pas et ce fut sans doute pour cela que les soucis arrivèrent.

Un membre de la troupe de théâtre qui passait par là, eu le malheur de tomber sur l'un de mes pots de peinture. Enfin... Le terme exact serait plutôt « s'enfoncer dans l'un de mes pots de peinture ». Un événement déjà assez catastrophique comme ça mais en plus, il avait fallu que la personne projette de la peinture dans tous les sens.

Avez-vous déjà senti ce genre de déception ? Quand vous faites un travail avec rigueur et que tout d'un coup, quelqu'un vient tout détruire en l'espace de quelques secondes ? Et bien, c'était le sentiment que je ressentis au moment où l'autre eu la malchance de croiser le chemin de ce pot de peinture, tâchant les quelques éléments de décor que j'avais déjà terminé et qui attendaient sagement de sécher. Pour ce qui était de la partie « sécher », c'était un peu mort maintenant qu'ils avaient reçu de la peinture blanche dessus. Certes, c'était juste des petites tâches mais elles se voyaient tout de même et je devrais donc repasser une couche de peinture sur ce que j'avais déjà fait.

Face à cet « affront », beaucoup de personnes auraient crié sur le coupable, malheureusement, pas tous les coupables faisaient une tête de plus et étaient beaucoup plus musclés que la « victime ». Par conséquent, si je voulais que la situation ne s'empire pas, je devais faire ce que je faisais de mieux : être poli et mettre de côté ma déception.

J'abandonnai donc mon pinceau, que je remis dans un pot de peinture, puis je me levai et me précipitai pour aider le malchanceux.

- Désolé ! J'aurais dû faire plus attention, m'excusai-je dans le but d'apaiser la situation et prenant un ton plus paniqué pour lui que déçu pour mon travail.

Me rappelant que j'avais également reçu de la peinture, je me servis de la manche de mon manteau pour enlever les tâches que j'avais sur le visage - vu depuis le temps que j'avais ce manteau, ce n'était pas très grave s'il était tâché.

- Viens. Je vais t'aider à nettoyer tout ça.

Je prononçai ces mots en même temps que je passais une main dans son dos et que j'attrapais l'un de ses bras que je passai au-dessus de mes épaules pour qu'il s'appuie sur moi. Ce qui était un peu ridicule étant donné qu'il était beaucoup plus musclé que moi et qu'il aurait très bien pu se déplacer à cloche pied mais, ce n'était pas mon genre d'abandonner quelqu'un à son triste sort.

Une fois cela fait, je lui fis signe d'avancer, direction : les toilettes.

Le chemin jusqu'aux toilettes se fit sans encombres, fort heureusement. Je ne pensais pas que j'aurais pu l'aider si nous étions tombés. Néanmoins, nous avions tout de même laisser des traces de peinture qui retraçait notre chemin, ce qui eu pour effet de me faire mordre la lèvre inférieur. Il allait falloir que je nettoie tout avant de partir. Je n'avais vraiment pas envie d'avoir des soucis avec les autorités. Et puis, il était inutile d’entraîner l'autre dans tout cela. Après tout, j'aurais vraiment dû faire attention à ce que mes pots de peinture ne gênent personne.

Alors que le brun se dirigeait vers les lavabos, je restais en retrait et commençais à envisager la façon dont j'allais l'aider à nettoyer son pantalon. Les lavabos étaient un peu trop haut pour qu'il nettoie son pantalon directement aux robinets. Après, le moyen qui aurait été le plus logique et plus facile aurait été de prendre une éponge et de nettoyer son pantalon avec, malheureusement, si j'avais une éponge en ma possession en ce moment même, je ne serais pas en train de paniquer de la sorte. Ou sinon, il pouvait nettoyer le pantalon directement dans le lavabo à condition qu'il enlève son pantalon...

La voix de l'autre me ramena à la réalité. Il venait de donner son prénom. Jack. Il s'appelait Jack. Et puis, il me demandait également quel était le mien. Très bien. Ça voulait dire qu'il n'était pas en colère. Cela m'arrangeait bien. Je n'avais vraiment pas envie de m'attirer des ennuis avec quelqu'un qui faisait une tête de plus que moi, qui était bien plus musclé, et qui pour couronner le tout, était seul dans la même pièce que moi.

- Je m'appelle Sören. Sören Mikkelsen. Enchanté de faire ta connaissance.

Je ponctuai ma phrase par un léger sourire. Je n'avais pas envie de montrer à quel point j'étais gêné par la situation ni en faire trop et faire croire que je m'en moquais.

- Bien que j'aurais préféré faire ta connaissance dans d'autres conditions.

Je massai ma nuque et laissa échapper un rire gêné. Bon. Pour ce qui était de la partie « ne pas montrer que j'étais gêné », c'était fichu.
Je soupirai et tentai de reprendre mes esprits. Mais, j'avais du mal à réfléchir correctement vu ce que j'allais demander à Jack.
Je n'étais vraiment pas du genre à juger sur les apparences, bien au contraire, mais, l'apparence de Jack me rappelait tellement celle des brutes du lycée qui avaient une prédilection pour se moquer des personnes homosexuelles ou bien toutes celles qui n'étaient pas hétérosexuelles. Alors, je ne pouvais m'empêcher d'attendre de Jack une mauvaise réaction de sa part face à ce que j'allais lui dire.

- Hum... Jack ?

Je repris une inspiration et fis en sorte de le regarder dans les yeux.

- Pour nettoyer ton pantalon, il va falloir que tu l'enlèves.

Puis je fis quelques pas en arrière et montra la porte derrière moi d'un signe de la main.

- Si tu préfères, je peux sortir.