Le temps d'une casquette [PV Kathy]

Cela faisait au moins dix minutes que Roland s’admirait dans le miroir.  Une nouvelle casquette sur la tête, il tâchait d’adopter des poses qui permettraient de visualiser ce à quoi il pourrait ressembler avec devant les filles. Mais par-dessus tout est-ce que cela fonctionnait ? Le jeune homme n’aimait pas tellement dépenser bêtement de l’argent.  

Samedi. Un jour particulier, magnifique, car cela signifiait : pas de cours pour la journée ! Une nouvelle qui avait réjoui Roland et, par conséquent, il en avait profité pour se rendre là où il voulait, c’est-à-dire dehors ! Histoire de prendre un petit peu d’air ! Certes, l’académie était un endroit où il se plaisait, mais également là où il passait le plus clair de son temps. En cours. Ou du moins quand il ne séchait pas. Un de ses amis avait par la suite proposé de sortir au centre commercial dans le but de faire quelques achats, de se promener et de rigoler un petit peu ! Évidemment, Roland, avec son caractère de boute-en-train, avait sauté sur l’occasion !

Et puis ils étaient entrés dans une boutique, Roland avait aperçu CETTE casquette, bleu avec une espèce de smiley blanc sur le devant. Il avait ouvert doucement les yeux, s’était approché, l’avait posé sur son crâne. Et… oh révélation ! Elle avait été parfaitement à sa taille comme si elle eût été faite spécialement pour lui ! Ce fut la raison pour laquelle il se retrouvait à s’admirer devant la glace, comme auraient pu le faire les jeunes filles stéréotypées dans les films ou dans la vraie vie face à un nouveau haut à la mode.

Sauf que c’était là que vinrent les problèmes. En quittant finalement son reflet l’espace de quelques secondes, il remarqua que ses amis n’étaient plus là et avaient quitté la boutique, pensant sûrement que le jeune homme était derrière eux à les suivre. Peu préoccupé par la situation, il se dirigea à la caisse pour payer le produit et sitôt rendue la monnaie, quitta la boutique en enfilant la casquette sur son crâne.

La solution la plus censée par la suite aurait été de partir à la recherche de ses amis et c’était ce qu’il avait prévu de faire lorsque son regard s’était arrêté sur une jeune fille un peu plus loin qui semblait toute seule. Un peu petite de taille – serait-elle plus jeune ? – mais très mignonne !

Sans réfléchir une seconde, et tirant sa casquette sur son visage pour se donner un air mystérieux, il s’approcha d’elle et déclara :

"Excuse-moi, est-ce que tu crois à l’amour au premier regard ? Parce que moi oui. "

La mignonne petite demoiselle s’était tourné vers lui, en penchant la tête l’air un peu étonné visiblement et avait souri doucement avant de prononcer cette phrase.  Une jolie phrase, sincère et qui semblait droit sortit de films ou d’animés romantiques ! Pourtant, lorsque cela sortait de sa bouche à elle, cela passait crème. L’expression de surprise ne fit que s’intensifier davantage sur le visage du jeune homme lorsqu’elle celle-ci lui proposa de s’asseoir à côté d’elle. Ce pouvait-il que… que sa technique de drague fonctionne enfin ? Que la casquette smiley faisait vraiment effet ? Ooooooh.

Évidemment, il ne montra pas à quelle point cela le ravissait et se concentra dans son rôle du beau mec classe et mystérieux en relevant légèrement sa casquette pour lui faire un clin d’œil :

"Eh bien, je me permets, je te remercie."

Un sourire aborda es lèvres du blondinet tandis qu’il prenait place à côté de la demoiselle. Cette dernière avait par ailleurs commandé une chope : n’était-elle pas trop jeune pour en boire ? Bon, en réalité cette question lui importait peu car en tant que fidèle membre des insoumis, tout ce qui lois, règles à aborder dans et en dehors de l’établissement, il s’en fichait complètement !            
Au contraire il leva même une main pour signaler à un des serveurs une chope de bière pour lui aussi ! Les hommes qui en buvaient, ça devait forcément être plus séduisant !

Puis finalement il posa ses deux coudes contre la table pour croiser les yeux de la jolie jeune fille avec des cheveux courts et des traits lumineux qui cadraient un sourire dévorant son visage.

"Alors comment un ange comme toi peut bien avoir comme prénom ? Marguerite ? Aurore ? Oui comme le nom de la jolie princesse qui attends un baiser de son prince, ça doit être ça je pense non ?"

A l’intérieur de lui, le jeune homme était fier de lui. Ah mais quel tombeur, il s’impressionnait lui-même ! Sortir une phrase comme ça, d’un coup, ça allait forcément faire mouche !

"Et encore, je n’suis pas sûr qu’un prénom pareil soit à la hauteur de ta beauté. "

Lourdaud, vous avez dit ? C’était exactement ça ! Mais bon apparemment Roland n’avait pas remarquer qu’il en faisait un peu trop. Comme toujours d’ailleurs. Si ce genre de technique marchait dans certains films, ça allait forcément marcher dans la vie réelle ! Très idiot comme maxime certes mais d’où il semblait y croire dur comme fer !

Un sourire. Un de plus.  Franc, sincère, honnête, sans la moindre once de moquerie dans ses yeux verts.  Avec un clin d’œil.  
C’était obligé, elle répondait actuellement à ses avances. Paradoxalement, cette prise de conscience au lieu de réjouir le jeune homme, lui colora légèrement ses deux joues. Cela aurait pu lui donner un certain charme, ce visage surpris, si ça n’avait pas été dû à un malentendu.  
Finalement il eut enfin son nom : Kathy… Kathy Bond… Euh Pond. Elle le remercia pour tous ces compliments en protestant qu’elle n’était pas du tout une princesse, et encore moins un ange.  Elle était… ravie de faire sa connaissance.

"Moi... moi aussi !" s’exclama-t-il subitement d’un ton un peu trop vif.

Prenant conscience de sa manière d’agir, il se racla la gorge, baissa sa casquette pour masquer sa rougeur puis de nouveau dans son rôle du séducteur, reprit :

"Je veux dire, moi aussi. Je suis ravi de faire ta connaissance… "

Ensuite elle voulut savoir son prénom, en supposant également par la suite qu’il devait avoir le même âge qu’elle.
Curieux d’émettre une telle hypothèse,  Roland était plus âgé qu’elle et cela se voyait.  Il ne savait pas trop s’il devait se montrer vexer ou bien flatté d’avoir été rajeuni ainsi. A moins que... mais non ce n'était pas possible.
Néanmoins, il fallait tout de même réponde à la demoiselle.  Attrapant l’une de ses mains libres, il commença :

"Mon nom est… Roland, Roland Ström.  Et crois-moi, une jeune fille aussi mignonne que toi ne devrait pas être aussi modeste. Tu es une sorte de princesse à mes yeux. Ainsi, enchanter une fois de plus, princesse Kathy."

Et il posa un doux baiser sur sa main.  Quelques personnes aux alentours rougirent de le voir agir d’une telle manière, certains se mirent à rigoler, enfin il avait réussi à attirer l’attention  sur lui, une fois de plus, mais il en été habituer,  c’était presque quotidien.  
Puis se redressant et lâchant la main de la jeune fille, il se désigna du petit doigt avec un petit sourire :  

"Et même si j’ai l’air un peu plus jeune, j’ai déjà 17 ans maintenant.  J’suis au lycée Ethiareal pas loin,  tu vois un peu ?"

Mine de rien, elle allait forcément être impressionné de se retrouver face à un élève de l'établissement Ethiareal, avec sa réputation légendaire.

Roland ne savait pas à quelle réaction il s’attendait au juste. Un sourire ? Oui sûrement un sourire. C’était ce qu’elle faisait depuis le début.  C’était ce même sourire qui l’a rendait si mignonne et qui l’avait encouragé dans ses espoirs depuis le début de cette conversation.

Bon en tout cas, elle s’était tournée sèchement dans sa direction, la rougeur qui avait teinté ses joues et qui avait ajoutait encore plus à cette pureté touchante, avait complètement disparu pour laisser place à une moue boudeuse. Oh oui, il aurait pu s’attendre à beaucoup de réactions, sauf celle-ci.  On aurait dit qu’elle était vexée ? Mais… bon sang! Depuis le début il s’était comporté comme un gentleman ? Qu’est-ce qu’il avait pu dire ou faire qui la mettait subitement sur la défensive ?

La réponse se manifesta rapidement. Princesse Kathy n’avait pas quatorze ou quinze ans. Ou même seize ans. Elle avait carrément VINGT ANS. À la fac Ethiareal. Trop choqué, il ne fit pas attention au reste des informations.
Croisant ses bras contre sa poitrine, ses yeux lançaient des éclairs. Cette vision aurait pu paraître assez comique, au final, si Roland ne s’était pas senti autant dans le pétrin qu’en cet instant même.                          
Visiblement, sa petite taille était un sujet sensible.  

Pourtant, la réaction du jeune homme n’aida pas beaucoup à améliorer sa situation. Une fois qu’il prit complètement conscience de cette information, un mot s’infiltra dans son esprit. Shit. Skit också. Merde. Ses yeux s’étaient écarquillés petit à petit jusqu’à ce que sa bouche lâche un :

"HEIIN ?"

Et il avait bougé si brutalement qu’il en était tombé de sa chaise. Plop. De nouveau les regards qui se tournaient dans sa direction. Pour sa chute ou pour son cri ? Ou peut-être parce que depuis le début, monsieur ne faisait qu’attirer les regards !

"Quoi. Princesse. Tu. Kathy. Vingt ans. "

Plusieurs mots les uns à la suite sans vraiment de cohérence.  Roland s’enfonçait. S’il avait été au sommet du précipice, là il avait fait une chute complète et avait sûrement perdu tous les points gagnés avec la demoiselle. Ce fut peut-être cette prise de conscience qui le poussa à adopter une attitude plus sérieuse.

Se  relevant, il épousseta ses vêtements, appuya sur sa casquette, se rassit. Croisa les yeux de madame Kathy.  Puis reprit :

"C’était un compliment ma chère, dire que tu fais plus jeune j’veux dire. Il est indéniable que ta maturité est celle d’une étudiante. "

Tenter de se rattraper après avoir dégringolé aussi bas ne manquait pas de cran. Peut-être que Roland était un génie au fond ? Ou peut-être que Roland était un idiot tout compte fait.

Roland ne s’attendait pas à ce que sa tentative désespérer fonctionne réellement. Et pourtant,  l’énorme sourire qui s’affiche sur le visage de la jeune fille – ou de la jeune femme – n’est pas feint. Mais elle n’avait pas l’air du genre trop rancunière. Ou peut-être a-t-il parler trop vite puisqu’il finit par discerner une petite lueur d’espièglerie dans son regard qui finit par donner à son sourire une tout autre forme.

Elle le regarde de haut en bas puis marque une pause pour réfléchir.  Roland déglutit lorsqu’elle déclare lui pardonner à une seule condition. Il s’attend à ce qu’elle poursuive mais elle entame une autre pause qui lui semble interminable. Sûrement devait-elle réfléchir à une punition diabolique pour lui pardonner. Peut-être qu’elle lui demanderait d’enfiler des vêtements pour filles et d’entamer une petite danse en chantant à tûtette. Il l’aurait fait. Mais ça aurait été embarrassant, même pour lui.  Ou dans le plus diabolique serait qu’elle lui demanderait d’avaler un plat qui allait s’avérer empoissonner. Plusieurs images effrayante défilèrent dans son esprit en même temps que son visage changeait d’expression.

Puis il s’aperçoit qu’elle ouvre la bouche pour parler et prononcer la sentence. Automatiquement le jeune homme ferme les yeux, comme si ça lui permettrait d’échapper à ce qui allait lui tomber dessus. Il se prépare et…

Une tarte aux citrons. Roland rouvre aussitôt des yeux stupéfaits. Sur le coup il n’a pas forcément compris car la jeune femme a le don de le surprendre. Elle voulait. Une tarte aux citrons. Que ce soit lui qui l’a lui paye. Évidemment.

Elle lui tire la langue et un sourire malicieux parcoure ses lèvres dans un geste adorable. Ahhh elle s’était bien fichue de lui depuis tout à l’heure à l’effrayer pour rien ! Néanmoins, mine de rien, il apprécie cette attitude taquine et éclate de rire :

"Vendu !"  déclare-t-il finalement avec un sourire en tendant la main comme pour conclure le marché.

Avant de ne pas tarder une seconde pour appeler l’un des serveurs :

"Une tarte aux citrons pour la jeune fi… femme ! commande-t-il en lançant un regard complice à celle-ci. Et c’moi qui paye !"

Pis en attendant que le plat n’arrive il choisit de poursuivre un peu la conversation histoire de faire un petit peu plus connaissance avec la charmante Kathy :

"Alors princesse,  j’ai oublié de te demander ce que tu faisais ici ? Tu attends quelqu’un ? Ou ce pourrait -il que… "

Un air catastrophe passe sur son visage :

"Tu es en couple ?!"

La dernière fois qu’il avait essayé de draguer la petite amie de quelqu’un, il s’était retrouvé avec un œil au beurre noir et quelques bleus un peu partout.  S’il le pouvait il préférait que cela ne se reproduise plus avant un moment.